Les mains dans les poches, son écharpe bien serrée autour du cou Eden la contemplait. Elle était magnifique. Il s’en dégageait une puissance hors du commun, comme si celui qui y reposait pouvait encore faire bénéficier de son aura à ceux qui venaient chercher une réponse ici.
La demoiselle remonta son manteau sur ses épaules. Il ne faisait pas chaud. Et penser qu’un sorcier de sa grandeur pouvait être froidement assassiné ne réchauffait pas vraiment le cœur. Eden l’avait peu connu. Elle n’avait été que rarement convoquée dans son bureau. Une ou deux fois tout au plus pour des affaires sans importance. Après tout elle n’était pas vraiment du genre à faire des vagues. Et si cela arrivait, c’est qu’on l’avait cherché. C’est tout.
La tombe avait été érigée quelques années plus tôt. Cela avait été une grande perte pour tous, particulièrement difficile pour certains. Son enterrement avait été impressionnant. C’était un grand homme, un grand sorcier, et un grand directeur.
Les grands hommes devaient avoir pour mission de disparaître rapidement. De mourir, ou de sortir de la vie des gens aussi rapidement que ce qu’ils y étaient entrés. Ça devait être une sorte de vocation. Le génie se paye finalement. L’ennui c’est que dans un sens, on le fait aussi payer aux autres, alors qu’ils n’ont rien demandé.
Eden revoyait le visage de certains élèves qui l’avait bien connus. De la douleur, si puissante que muette pour la plupart. Peu de larmes. Mais c’est encore pire.
Son père aussi était un grand homme. Pour ce qu’elle en savait du moins. Mais sa spécialité à lui n’était pas le combat héroïque, loin de là. Plutôt la fuite. Il était sorti de sa vie avant même d’en avoir poussé la porte d’entrée. Epatant.
A quoi ressemblait-il ? Surement les yeux gris, comme elle, cet air de défi qu’on retrouvait sur son visage. Elle l’imaginait fort. Aussi dur que ce que sa mère avait été douce. Se sentait-il faible parfois ? Avait-il peur ?
Autant de questions auxquelles les réponses seraient difficiles à obtenir.
Où es-tu... Murmura-t-elle
Eden haussa les épaules comme pour se débarrasser d’un lourd fardeau, et fit quelques pas dans l’herbe, contournant la tombe.
L’herbe crissait sous ses pieds. Surement le givre. Ou quoi d’autre ?
La demoiselle écarta une mèche châtain qui lui barrait le visage, et la ramena derrière son oreille. Ses grands yeux gris scrutaient toujours la tombe. Pourquoi avait-elle ressenti le besoin de venir là ce matin. Elle n’avait aucune attirance particulière pour la mort, comme certains l’affichaient aisément de par le style vestimentaire ou leur attitude quotidienne. C’était un lieu où elle n’avait mis les pieds qu’une fois finalement. Le jour où on y avait placé cette tombe. Une sorte d’appel peut être.
Peut être aussi parce qu’en ce jour, elle aurait eu besoin que les yeux bleus se pose sur elle, comme il le faisait parfois dans la grande salle. Il avait l’étonnante faculté d’arriver à regarder à la foi tout le monde, mais à la foi, chacun particulièrement.
Alors qu’ils étaient tous assis à leur table, Eden sentait son regard sur sa nuque. Et pourtant elle savait qu’il ne la regardait pas particulièrement elle. Elle n’avait rien de spécial. Il arrivait juste, à tous les observer. Tous, individuellement. Et quelque part, c’était rassurant.
Mais maintenant ?
Ils étaient seuls. Rien n’était plus pareil. Il fallait faire sans les yeux bleus à qui l’ont ne pouvait mentir. Sans le discours de début d’année rassurant et mystérieux à la fois.
Albus Dumbledore était un grand homme.
Eden s’approcha de la tombe. Elle avait sans cesse le besoin de toucher les choses. Comme un instinct animal. Elle touchait les gens aussi. Bien que pour la plupart ça ne leur plaise pas. Dans les couloirs, lorsqu’ils étaient bondés, elle aimait frôler leurs épaules. Elle ne les connaissait pas toujours mais ainsi, elle avait l’impression de prendre une petite partie d’eux. Une infime…
Ce fut donc sans surprise pour elle que sa main se posa sur le marbre blanc. Une petite main sur la tombe d’un géant.
A quoi s’attendait-elle ? Des vibrations ? Ressentir une puissance extérieure pénétrer en elle ? Il n’en fut rien. Ce qu’elle ressentit ce fut le froid du marbre. Et ce fut tout.
Elle retira prestement sa main. Avait-elle le droit de faire ça ? Pas sûre.
Eden se retourna vers le lac, et enfouit ses mains au fond de ses poches. Un petit vent frais agitait ses cheveux brillants autour de son visage de poupée. Elle se sentait seul en cette matinée. Comme bien souvent finalement.
Mais était-ce réellement important après tout… Elle était vivante au moins.